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Ce monde est-il toujours le nôtre ?

Nous sommes en décembre 2008, la période des vacances  scolaires a commencé, et nul besoin de l’annoncer dans les média, car dans les quartiers Nord de Nouméa, les résidents ont très rapidement commencé à connaître les effets de ce nouvel état des jeunes de la rue. Les cambriolages s’intensifient, les rues qui jusqu’alors connaissaient une relative tranquillité, commencent à s’animer et à voir défiler des groupes de jeunes gens qui déambulent, désœuvrés.

Parmi ces jeunes qui se promènent, beaucoup le font par simple curiosité, par ennui. D’autres pour le plaisir de se retrouver, et chercher une source de divertissements. Mais le phénomène de groupe provoque dans la population un sentiment de danger. Et dans ces groupes s’insèrent souvent des plus grands qui ont des idées derrière la tête. Et c’est ainsi que ces petites entités apparemment innocentes vont véhiculer des informations sur la vie de leur quartier, sur les voisins, qui permettront à des individus bien moins innocents de préparer leurs larcins.

Une de mes voisines m’a lancé il y a quelques jours, à propos des cambriolages en recrudescence : « c’est bientôt Noêl, ils font leurs courses ! » Il est vrai que le phénomène est récurrent, il commence à la fin novembre, comme les promotions de Noël des grands magasins, il va s’amplifiant car alcool, désœuvrement, et euphorisation due à l’approche des fêtes fournissent un cocktail détonnant qui engendre les situations de violences, exacerbées par la jalousie. Cette jalousie de ne pas avoir un appartement agréable, un jardin entretenu, une vie décente.

Car ces enfants vivent souvent dans des logements sociaux  surpeuplés, dans une famille trop nombreuse, dans des milieux difficiles. Ils sont dans une génération de transition, celle qui a découvert son indépendance, loin de la coutume et des lieux de vies communautaires. Des peuples de « guerriers » comme ils ont tendance à le revendiquer, qui à l’âge adolescent ont de la testostérone à revendre, de l’agressivité à éliminer et qui vivent dans un univers qui ne leur laisse pas beaucoup de choix. Alors beaucoup cherchent à fuir dans l’alcool, comme les grand frères, ou les parents, et d’autres découvrent la drogue, qu’ils partagent (au début).

Quel regard portons-nous sur ces jeunes en voie de délinquance ? Dans notre quartier il y a deux types de comportements : les gens qui s’intéressent à ce phénomène et essaient avec leurs moyens, avec ce qu’ils sont, de rentrer en contact, ou de rester en contact avec ces jeunes, sans trop s’impliquer, mais juste pour offrir à ces jeunes une reconnaissance qu’ils recherchent à travers leurs actes, bons ou mauvais. Et il y a les indifférents qui ne savent pas de toute façon comment agir, et donc qui préfèrent « vivre à côté », en se disant que moins on s’intéresse aux autres, moins ils s’intéressent à vous, et qu’en cas de grabuge, on n’a qu’à appeler la police.

Les deux comportements sont raisonnables, car une implication trop forte aurait les effets inverses du résultat attendu : la tranquillité. Et une absence de réaction et une certaine indifférence laissent aux populations visées une marge d’évolution car elles se sentent moins « jugées » par le reste du monde, ce qui peut leur permettre de s’approcher de la société et s’y insérer en douceur.

Mais cela ne résout pas notre problème, car à la longue un comportement trop « lisse » envoie un message de faiblesse, et contribue à développer les actes de délinquance. Le monde dans lequel nous vivons fabrique des esprits matérialistes et consommateurs, alors que tout le monde n’a pas les moyens d’accéder à cette consommation. Et d’autres n’ont pas envie de fournir les efforts qui leur permettront d’y accéder. Et les mêmes qui fabriquent ce monde de consommateurs sont ceux qui pratiquent un esclavagisme moderne, celui qui dissuade les jeunes d’aller vers une société ressentie comme injuste et souvent inhumaine.

Qui a tort, qui  a raison, si le problème de la délinquance des jeunes est aussi récurent et que malgré tous les efforts gouvernementaux, des organismes sociaux, des associations, et de tous ceux qui s’impliquent pour se battre contre la fatalité, c’est que la solution n’existe toujours pas, elle reste à inventer .

Si nous ne trouvons pas de solution, c’est peut-être que nous prenons le problème à l’envers. La réalité est que le monde a changé, les valeurs éthiques ont vieilli, la génération qui pose des questions n’attend pas forcément de réponse de notre part. Elle veut simplement que nous nous adaptions à ce nouveau monde et que nous nous y insérions, car le monde de demain n’est plus le nôtre, c’est le leur.