La charnière

La charnière 

Je crois depuis longtemps déjà que nous vivons une époque « charnière ». 
Pourquoi? Parce que la Société est en ballotage. Nous sommes entre deux mondes, entre deux générations d’hommes et de femmes…la première est celle qui s’est battue en mai 1968… la petite révolution des années 60 des enfants d’après guerre, qui voulaient vivre autre chose que le conservatisme et la peur de la guerre et qui a débouché sur l’insouciance et le matérialisme à outrance des années 80…la remise en question des valeurs que nous estimions liberticides … notre slogan principal était « il est interdit d’interdire », notre sexualité était libérée, nous ne croyions plus dans les principes qui nous protégeaient et nous avons brisé bien des tabous.
La profusion consumériste à outrance a commencé, et l’économie s’est adaptée. Les crises se sont succédées mais notre génération n’a jamais cru que tout cela allait s’arrêter, que cela devenait dangereux…et que nous étions en train de couper la branche sur laquelle nous sommes assis. Il y a une chose dont je suis sûre c’est que ceux que nous décrions aujourd’hui sont ceux là mêmes que nous avons mis en place par nos comportements et notre aveuglement.
Nous avons demandé plus de choix, l’industrie a fourni, nous avons demandé plus de facilités de paiement, la banque a fourni, nous avons demandé plus de plaisirs, les médias ont fourni, nous avons demandé plus d’insouciance et moins de sérieux, notre monde l’a fourni. Puis nous avons demandé plus de facilité, plus de mobilité, plus de rapidité, plus de jeunesse, plus de vie, et donc tout est à l’étude pour nous le fournir.

Mais comme cela n’est pas simple, les pouvoirs que nous avons donné sont insuffisants, et donc ceux que nous avons mis en demeure de nous construire un monde à la hauteur de nos désirs nous demandent en retour des sacrifices de plus en plus importants. Ils nous demandent de fermer les yeux sur les conséquences de leur action.

Nous sommes entrés dans les années 2000 et les crises se sont intensifiées, le vernis de la facilité a craqué et la société des hommes a commencé à ouvrir les yeux et voir le désastre qu’a provoqué son insatiable faim de nouveauté et de progrès. Besoin toujours plus grand d’énergies fossiles car plus faciles et moins chères à exploiter, donc de plus en plus de guerres. Besoin de plus de nourriture et de choix, au détriment de l’écosystème, donc de plus en plus de mise en danger de la planète. Besoin insatiable de liberté et de plaisirs, donc des choix de vie impliquant de se désolidariser des autres, se séparer entre ceux qui ont et peuvent, et ceux qui travaillent pour fournir ceux qui font marcher les premiers….

Mon analyse est simpliste, et c’est voulu. Car à force de chercher des coupables ou des responsables, nous finissons toujours par trouver notre propre image dans le miroir. La société est devenue ce que nous en avons fait. Et certains plus rusés que les autres ont pris les rennes et ne les lâchent plus, et c’est une conséquence et non une cause.

Mais voilà nous sommes de plus en plus nombreux à nous voir dans le miroir que nous tend la réalité des choses. Si cela a commencé par quelques visionnaires ayant anticipé ce qui nous arrive aujourd’hui, tout au long des siècles passés, la réalité brutale de la disparition d’espèces animales, végétales, l’apparition de phénomènes climatiques destructeurs, la mise en évidence des injustices sociales, et l’appauvrissement intellectuel des populations, ont montré de façon inéluctable notre responsabilité et éveillé un bon nombre de gens à travers le monde.
Encore trop peu nombreux aujourd’hui pour changer les systèmes politiques et économiques nous sommes en nombre suffisant pour amorcer une réorientation de nos comportements individuels.
C’est là que se situe la « charnière ».
Nous sommes arrivés à un carrefour et nous le savons tous. Mais nous avons encore le choix de tourner vers la bonne destination.
La société humaine amorce un virage vers une diminution du consumérisme. Ce sont les jeunes générations qui ont compris que leur avenir ne ressemblera pas à celui que nous avions choisi. Ils nous ont vus, nous, leurs parents, leurs grands parents, nous enfoncer dans des modes de vie gourmands en temps, en disponibilité. Ils nous ont vus nous alourdir de biens inutiles. Ils ont senti le Monde se durcir, s’intensifier, ils ont senti les étaux se resserrer autour de nous. Et aujourd’hui la plupart cherchent un « appel d’air », ils ne veulent pas de la même vie, ils n’ont pas envie de suivre nos exemples. Il veulent un monde plus léger, plus disponible, plus naturel, moins contraignant et donc moins matériel. Ils développent des structures où prime la coopération, le partage et la transmission des informations qui leur sont utiles. Certains s’engagent dans des combats collectifs pour protéger leur avenir et leur héritage naturel. Ils ne sont plus d’accord pour laisser le champ libre à des décideurs d’autres générations car il ont vu le désastre que ces derniers ont avalisé.
Et cette jeune génération que je trouve très active et entreprenante doit bénéficier du soutien de tous ceux que nous sommes, nous leurs parents, leurs amis, ou de simples observateurs. Il est maintenant de notre devoir de faire et donner tout ce que nous pouvons pour les aider à créer le monde dans lequel ils ont choisi de vivre.
Quand je regarde les yeux remplis d’espoir, les envies saines et le courage de cette jeunesse, je me dis que oui, nous sommes pleinement au centre de cette charnière, et que le vieux monde a vécu,  il est en train de disparaître sous nos yeux. D’autres défis s’annoncent, et les citoyens de demain devront faire des choix déterminants pour l’avenir du Monde. Et encore une fois, c’est l’homme qui sera pleinement responsable des conséquences de ses choix.
03/09/2017

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