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Chaque être a une histoire

Chaque être a une histoire

Regarder derrière soi engendre une diversité de sentiments, de la nostalgie, des regrets, une envie d’approfondir l’histoire…comme pour faire revivre un temps les paysages tels qu’ils étaient avant que nous les transformions.
Je suis actuellement dans un quartier que j’ai connu alors qu’il n’était composé que d’espaces en friches, Robinson. Des lots vierges, ou la Nature avait tous les droits. Mon père avait acheté un lot en 1974, et nous y avons consacré de nombreux week-end pour défricher le terrain. Le dimanche nous partions avec le pique-nique et passions la journée à arracher, couper, transporter les herbes hautes et les arbustes pour les brûler avant de rentrer à Nouméa, avant la construction de la maison, une bâtisse néo-zélandaise, moitié en dur, moitié en préfabriqué. J’ai vécu dans ce quartier, dans cette maison. Nous n’avions pas encore l’électricité, nous avions un groupe électrogène. Les lessives hebdomadaires étaient faites par les filles avec Maman, dans des grosses poubelles en plastique, avec une planche et des brosses. On piétinait le linge dans la lessive à tour de rôle, puis on le brossait et ensuite c’était la phase de rinçage, le plus difficile c’était de soulever les drap, et les serviettes gorgées d’eau. On se mettait à deux pour le faire, et tordre le linge pour l’essorer. Cela donnait lieu à de grandes parties de rigolades ou à de belles engueulades. Comme nous étions trois filles avec Maman, la main d’oeuvre était suffisante et les tâches bien réparties. Chacune officiait à tour de rôle pour chaque étape du trempage, lavage, rinçage, essorage et étendage.
Nous avons vécu de belles années avant que n’arrive la période de notre adolescence. Nous y arrivions tous les uns après les autres, année après année, car nos différences d’âges étaient  d’un an ou deux au maximum. De l’ainée, au dernier, sept enfants nés de 1954 à 1961, imaginez ce que nos parents ont vécu. Période troublée, ambiance délétère, parents démunis, la colère, l’incompréhension, la brutalité, les erreurs, les départs.
De cette époque j’ai des souvenirs magnifiques et d’autres terribles. Des » grandes tablées dominicales où l’in riait à profusion aux moments de peur intense liée à la violence paternelle. Ma nostalgie est mêlée de sentiments contradictoires.
Je crois qu’il en est de même pour chacun d’entre nous. Chacun a son histoire, aucune ne se ressemble. Tout le monde mange son pain blanc et son pain noir dans son existence, mais pas tous dans le même ordre.

Parfois comme Proust et sa madeleine, je me retrouve confrontée à des lieux, des parfums, des situations qui me propulsent dans ce monde du passé et de la nostalgie empreinte du sentiment d’un énorme gâchis.
Si nous pouvions comprendre la vie et les choses avant de les vivre,  nous ferions d’autres choix. Mais n’est ce pas justement le but de la vie que de nous apprendre à travers nos erreurs, à travers nos expériences heureuses comme nos souffrances ?
Je ne sais pas ce que mon père et ma mère ont retiré comme leçon de leur vie, je ne connais pas leur existence, seulement quelques bribes. Chacun des enfants encore en vie a en lui ne partie de leur histoire, une vision de nos parents. Elle diffère de l’un à l’autre en fonction de comment il a vécu les évènements communs à toute la famille, et en fonction de qui il est et ce qu’il a fait.
Être une famille n’est pas facile, vivre sans avoir de racines est un handicap  car nous devons forger les nôtres. Et notre histoire personnelle est marquée par cette absence d’ancrage. Donc naturellement, chacun a eu du mal et mis du temps à stabiliser sa vie. Certains n’y sont pas encore parvenus. D’autres ont choisi de refuser un ancrage permanent.
Qui je suis? Je ne peux y penser sans me replacer au sein de cette histoire familiale. Chacun de nous a un grand coeur, quand nous sommes tous réunis, c’est plus les souffrances personnelles et collectives qui nous unissent que l’amour. Ces souffrances ont creusé les individualités et nous ne savons plus jouer collectif.  C’est cela l’immense gâchis.
Voilà pourquoi je n’aime pas le passé. Nous ne pouvons pas vivre sans lui car il nous construit, nous ne pouvons pas vivre avec lui car il nous enferme.
Alors nous faisons un choix, celui de vivre notre vie au présent. J’ai fait ce choix. 
Ce qui s’est passé hier est fini, je n’y ai plus de prise. Donc c’est mort. Je me concentre sur ce que je fais aujourd’hui, et je me projette dans mes rêves pour les réaliser. Sentimentalement c’est pareil. Les gens avec qui j’ai des relations sont ceux présents autour de moi et avec qui j’interagis.  Certains passent et sortent de ma vie, d’autres y restent. Je me consacre à ceux qui restent. Je ne porte aucun jugement sur autrui, il m’arrive de donner un avis ou faire un commentaire sur des actes, sur les causes ou conséquences des actions, jamais sur celui qui les initie et ce ne sont que des avis ou commentaires, donc celui qui les reçoit a la liberté totale de les prendre en considération ou de les ignorer, ou de les colporter.
Je fais une grande distinction entre mon intimité, ce qui est en moi et s’exprime en moi, et ma vie sociale ou publique, où je m’abstiens de dévoiler tous mes états émotionnels. Cela ne m’empêche pas  de rire ou de pleurer, car c’est l’humanité de l’être qui s’exprime, mais je n’expose pas plus ma vie intime, mes sentiments.  
Je ne suis pas parfaite, mais j’aspire à l’authenticité depuis toujours, je m’applique à être et à vivre ce que je dis et dire ce que je fais.
Pour qui veut s’y attarder je suis un livre ouvert, ce qui explique qu’il est compliqué parfois pour les gens de me comprendre car le culte du secret a un charme infini, et d’aucun va toujours chercher ce que je cache…rien.
Ou disons que j’ai un jardin secret, composé de choses du passé que je ne livre pas car ce sont des choses, des sentiments, ou des actes qui ne concernent que moi. Ce jardin est en friches car je n’y met plus les pieds depuis longtemps, mais il existe car nos pensées, nos intentions sont éternelles, et celles-là datent d’une époque où je n’avais pas la conscience et la maîtrise que j’ai actuellement sur mon monde intérieur.

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