Cognito sum

 

Chacun sait au fond de lui qu’il est unique et c’est précisément ce qui explique que nous soyons toujours seuls, face à nous-mêmes. C’est aussi ce qui explique que nous recherchions désespérément un alter ego, qui nous comprenne et qui nous aime. Cela explique bien des déboires en amitié ou en amour.

Notre côté unique explique le sentiment de solitude que nous enfouissons en nous. Ce sentiment qui nous pousse à aller vers les autres, qui nous pousse à nous organiser en groupes à construire autour de nous un modèle social auquel nous adhérons et qui devient notre sphère, nos repères et le monde dans lequel nous pouvons nous construire. Nous enterrons alors notre individualité sous  des couches successives de compromis sociaux, nous nous cachons derrière une morale, une religion, une croyance,  un autre individu, ou un groupe d’individus,  tous susceptibles de nous protéger des autres.

Nous apprenons à nous limiter dans notre conception de la vie, nous incluons toujours ces valeurs sociales dans nos pensées et nos actes afin d’éviter les conflits mais aussi pour avoir quelque chose  à partager.

Contrairement à nos attentes, cette laborieuse élaboration sociale a un effet plutôt limitant ou inhibant. Certains d’entre nous en sont même complètement dépendants : hors les autres point de salut !

Tous les modèles sociaux qui nous entourent nous poussent à respecter la notion de groupe. Et si  nous nous éloignons du groupe nous devenons de dangereux individualistes que l’on qualifie bientôt d’égoïstes, puis d’inadaptés sociaux, et pourquoi pas de sociopathes.

Pourtant l’évolution même de la société glorifie, reconnaît et rémunère grassement les individualistes dans le domaine de l’économie, du travail. Il faut alors se distinguer, devenir une élite, un exemple pour les autres. La réussite sociale est souvent la résultante des  faits d’un individualiste qui n’hésite pas à sacrifier les autres pour parvenir à ses fins. D’ailleurs ne parle-t-on pas de la solitude du pouvoir ?

Mais le besoin de réalisation personnelle, hors des normes ou des codes sociaux-économiques  conduit aussi à cette forme d’individualisme, la reconnaissance sociale n’est pas la seule à motiver la recherche d’une élévation mentale, intellectuelle, ou spirituelle.

Nous nous mettons alors à rechercher en nous, non pas ce qui sous rapproche des autres, mais plutôt de qui nous en distingue. Nous nous isolons de plus en plus, parfois même involontairement. Le seul fait de s’élever  intellectuellement, socialement, politiquement ou économiquement nous isole.

Il faut alors gérer cette solitude qui a fait éclater toutes les couches savamment construites depuis l’enfance, depuis les besoins les plus élémentaires de la survie, jusqu’aux besoins relationnels construits à travers l’éducation, l’enseignement, l’apprentissage social.

C’est alors que l’on perçoit pour la première fois qui l’on est. Libéré de l’acquis, on peut alors faire face à l’inné, celui que l’on est. Souvent d’ailleurs cela fait peur, la découverte de notre profonde liberté, le sentiment que l’on est seul maître de son destin et qu’il nous appartient de faire savoir au monde qui nous entoure que nous ne sommes plus dépendants des contingences sociales. Nous choisissons ou non de continuer à vivre au milieu des autres, de consommer ou non, de respecter les règles ou non. Après chacun fait son chemin en acceptant les conséquences de ses choix.

C’est alors que l’on devient véritablement un être humain responsable.

Et ce genre d’être se trouve dans toutes les couches de la société humaine, car quand on a compris qui l’on est, nul besoin alors de posséder ou de dominer. Le pouvoir est en nous.

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