Le temps

Le concept du temps me passionne. Tout comme j'aime me pencher sur la condition humaine, les grands principes de la Vie, et le Temps en fait partie.
Le temps comme mesure de ce qui est. Toute conscience est dans l'éphémère car c'est dans l'observation du soi et du monde, dans la compréhension de la globalité, de la totalité de ce qui est, mais de ce qui meurt à soi lorsqu'il passe, et de ce qui naît dans le moment. 
Nous commettons presque tous l'erreur de nous projeter, pour nous réaliser, or pro jeter, c'est littéralement "jeter en avant" donc nous nous lançons dans un vide, dans du non-être pour nous assurer que nous serons. D'autres se vivent par rapport au souvenir, dans un temps passé donc un temps fini, qui n'a d'incidence sur nous que celle que nous lui accordons. Donc ce passé ne nous apporte rien d'autre que les barreaux de la prison que nous nous construisons. Le temps a sa propre existence, son contenu, son énergie, il avance inexorablement. Mais nous ne pouvons avoir conscience de l'importance de ce temps que lorsque nous restons immobile et que nous l'observons.
Quand nous observons ce temps, il dure, dure, indéfiniment. Nous avons quantifié le temps pour pouvoir le maîtriser : l'être humain ne sait pas exister sans exercer son contrôle sur tout ce qui l'entoure. Alors nous lui avons attribué une mesure pour que nos cerveaux atrophiés puissent avoir la sensation d'exister. Or le temps a une dimension indéfinissable. Son appréciation humaine dépend du mouvement, de l'action, de tout ce qui mit fin à l'observation.
Regardez une pendule, regardez la égrener les secondes avec cette grande aiguille qui avance à son rythme, toujours le même autour du cadran...c'est long, nous avons le sentiment que le temps passe parce que nous voyons l'aiguille bouger. Maintenant ne regardez plus l'aiguille, laissez votre regard s'égarer au loin, rien ne se passe, et nous ne sentons plus le temps car nous somme à l'intérieur du moment que nous vivons. Autre expérience, vous devez partir au travail, les enfants à déposer à l'école, les courses à faire, alors nous ne voyons plus le temps, nous n'avons plus qu'un sentiment d'urgence, nous avons l'impression de ne plus avoir de temps. Encore une autre situation : vous êtes dans un moment de souffrance, alors le temps vous semble immobile, car vous êtes concentrés sur votre ressenti, dans cette situation vous sentez le "poids" du temps. 
Le temps "vulgarisé" n'est que le reflet du ressenti que nous en avons quand nous sommes en action et que notre esprit n'est plus maître de lui même mais conditionné par une influence extérieure.
Pour retrouver le temps à l'état naturel, le plus évident est de cesser tout mouvement, en apparence. Or cela n'est pas concevable, l'absence de mouvement c'est l'absence de Vie, donc la mort (la mort n'étant pour moi qu'une autre facette du temps).  Dans les faits ce n'est plus une question de mouvement, mais d'appréciation des conditions du mouvement. J'entends par "mouvement" le contraire de "immobilisme", qu'il soit physique ou mental.
Lorsque vous pratiquez une activité que vous aimez : fabriquer un objet, exercer un sport, élaborer un projet, créer une recette, ...quand vous êtes dans un moment d'activité créatrice, tout votre être, tous vos sens sont tendus vers un but, toute votre attention est mobilisée, toute votre existence est focalisée sur cette réalisation. Alors la notion de "temps qui passe" disparaît au profit du "temps qui vit". C'est quand vous revenez dans le monde ordinaire où la passion a disparu que vous prenez conscience du temps "comptable " de votre vie.
Cela peut vous aider à mieux saisir quel est le vrai but du temps, sa finalité. Le temps c'est l'existence, c'est la vie, c'est se sentir vivant, c'est exercer sa toute puissance sur la vie, c'est la liberté. À cela vous opposerez une quantité de raisons pour ne pas le vivre : le monde, la vie en société, les autres...et bien je vous rétorquerai : c'est pareil! Si vous vivez sans être dans le moment que vous expérimentez, vous n'êtes que la marionnette du temps des autres.

Dans mon activité professionnelle j'ai rencontré un jeune homme. J'étais l'équivalent d'un agent de maîtrise et dans mon activité j'étais en contact avec un jeune inspecteur stagiaire , un peu loufoque, très gentil, mais d'une lenteur!!! Et en plus j'avais toujours l'impression qu'il planait. J'ai martyrisé ce jeune homme à l'époque parce que dans mon travail, j'avais des conditions de délais à respecter, pour satisfaire ma hiérarchie. Mais en fait il a très bien résisté à mon harcèlement, il ne s'est jamais départi de son calme et de sa gentillesse, il m'a imposé son rythme. Il m'a expliqué que sa façon de travailler, c'était sa méthode et que cela ne changerait rien au résultat. Il a tenu bon. Et en fait dans ses analyses, il allait au fond des choses, et même si ses conclusions ne plaisaient pas à la hiérarchie il avait la conscience professionnelle d'exposer tous les tenants et aboutissants d'une situation, qui en fait nous faisaient économiser du temps en évitant des tâtonnements d'expériences devenues inutiles.
Dans cet exemple, ce jeune homme avait une maîtrise de lui, une conviction profonde de la valeur de la qualité de l'utilisation de son temps. Et voilà toute la différence. Dès que nous opposons au monde la maîtrise que nous avons de nous mêmes, nous imposons notre rythme et donc nous nous libérons de la pression extérieure.
Comment traduire tout cela en notion temporelle ? La maîtrise de son temps, ce n'est pas imposer quelque chose par force ou  contrainte. C'est se rendre maître de soi même, et cette qualité étant reconnue par le monde extérieur, elle s'impose naturellement. Comment se rendre maître de soi même et par extension de son temps ? 
Si nous revenons à la passion que nous mettons dans toute activité que nous aimons, nous avons la réponse. Cela va vous sembler simpliste, mais allez au bout de mon analyse...quand je fais la vaisselle ou que je lave une pièce de linge, ou que je repasse un vêtement ...on ne peut pas dire que ce sont des activités passionnantes...et pourtant, j'aime que tout ce que je fais soit bien fait. Ce n'est plus dans l'activité elle-même que se trouve ma passion mais dans le désir de bien faire.
Donc je mets toute mon attention, toute mon énergie, tous mes sens dans la réalisation de chaque activité. Je suis incapable de faire plusieurs choses en même temps puisque je donne tout de moi à chaque fois. Chacune de ces activités me donne la sensation de durer longtemps, je ne vois pas le temps passer, je le sens parce que je suis à l'intérieur du temps de mon action.
La passion c'est l'amour poussé par l'énergie qu'il dégage. 
Chaque fois que vous êtes présents à vous mêmes à l'intérieur du temps, physiquement et mentalement, c'est parce que vous aimez, vous vous sentez bien, vous dégagez une énergie vitale, en harmonie avec le monde et vous créez. Voilà ce qu'est le temps. L'expression "prendre son temps" y retrouve pleinement son sens.
Le temps c'est de l'amour. 
7/05/2017

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